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مقابلة حصرية مع زين العابدين بن علي: «أنا متألم جدا من أجل بلدي و شعبي...ههههههههههههههه



Tunisie-Secret- Monsieur le président, dans quelles circonstances et pour quelles raisons avez-vous quitté la Tunisie le 14 janvier 2011 ?
Ben Ali- On m’a persuadé que la vie de ma famille était en danger et qu’on ne pouvait plus assurer même pas ma propre sécurité. J’ai agi comme tout père de famille en pareille circonstance. Malgré tout ce qu’on m’a dit sur le danger de rester, mon intention n’était pas du tout de quitter la Tunisie. Mon devoir était de rester et de faire face aux différents complots qui se jouaient. Cela m’a beaucoup rappelé les événements de janvier 1984. J’ai fini par embarquer dans l’avion sans mes médicaments et sans mes lunettes, en pensant revenir immédiatement après. Je signale que je n’ai jamais eu l’intention de me rendre en France, à l’inverse de ce qui a été dit. J’ai hésité entre deux pays frères, le royaume d’Arabie Saoudite et l’Algérie. J’ai finalement été guidé vers la terre du Prophète que la paix soit sur lui. Une heure après notre arrivée, j’ai dit au revoir à ma famille que j’ai laissé partir sous bonne escorte et je suis resté dans l’aéroport. C’était tard dans la nuit et j’ai attendu que l’avion fasse le plein en kérosène et que les cinq personnes de l’équipage se reposent un peu pour embarquer et repartir vers Tunis. Sans me prévenir, alors que j’attendais au salon d’honneur, l’avion a décollé sans moi à peine deux heures après notre arrivée.
T.S.- Dans votre discours à la nation, vous avez affirmé n’avoir jamais donné d’ordre de tirer à balles réelles sur les manifestants ? Pourquoi donc y a-t-il eu tant de morts ?
Ben Ali- Aucun ordre, qu’il soit écrit ou oral n’a été donné au ministère de l’Intérieur et au ministère de la Défense Nationale d’utiliser des armes à balles réelles. Même l’usage des bombes lacrymogènes a été strictement conditionné. Dès le 1er janvier 2011, nous savions que des voitures de locations et des taxis parcouraient le nord et le sud du pays en donnant aux jeunes de l’argent, de la drogue sous forme de comprimés et de quoi fabriquer des cocktails Molotov. Mais, dès le 8 janvier, à la suite des rapports que j’ai eus sur les attaques de certains postes de police et de la Garde Nationale par des éléments terroristes, où il a eu des morts et des blessés, consigne a été donnée à l’ensemble des forces de l’ordre de faire usage de leurs armes en cas de légitime défense. De là où je me trouve en ce moment, je le jure devant Dieu et devant le peuple tunisien que je n’ai jamais donné le moindre ordre de tirer sur les manife stants. Je reste persuadé que mes ministres de l’Intérieurs et de la Défense sont innocents de ce dont on les accuse. Même si je n’ai personnellement donné aucun ordre, j’assume mes responsabilités en tant que chef de l’Etat. Je suis prêt à répondre devant un tribunal indépendant de toutes les accusations qu’on m’a adressé. C’est à ce moment là que mes compatriotes sauront toute la vérité. Ils sauront qui a tué les manifestants et sous les ordres de qui. J’avais mal pour tous ces jeunes qui sont morts inutilement et j’en souffre encore comme s’il s’agissait de mes propres enfants.
T.S. Lorsque votre résidence de Sid Dhrif a été perquisitionnée, on y a trouvé beaucoup d’argent en dinars et en devises. Y avait-il autant d’argent et en étiez-vous le possesseur à titre personnel ?
Ben Ali- Malgré sa cruauté, cette histoire m’a fait moins de mal que les jeunes qui sont morts pour rien et qui étaient comme mes propres enfants. Cette histoire était une violation de domicile totalement illégale. On n’a pas seulement trouvé la Banque centrale qui a déménagé chez moi, on a aussi trouvé des armes, de la drogue et je ne sais pas quoi encore. Ce coffre ne servait pas à amasser de l’argent et des bijoux. Il était plein effectivement, mais d’autres choses. J’avais tous les dossiers classés secret défense et beaucoup d’autres dossiers personnels aussi, des lettres privées, de vieux documents de ma famille qui remontent au 19eme siècle, des photos, des actes de propriété de mon arrière grand père, un souvenir de ma mère qui m’était particulièrement cher… Tout ça à été enlevé et remplacé par des billets d’argent venus de je ne sais où. L’argent qu’il y avait représentait 10% de ce qu’on a montré au peuple tunisien. C’était la caisse noire du président de la République, comme tous les chefs d’Etat et même ministres dans certains pays de l’Occident. Mais bon, je comprends pourquoi ils ont fait tout ça.
T.S.- Certains prétendent que vous aviez l’intention de vous adresser au peuple tunisien dans la soirée du 14 janvier 2011 pour lui faire de révélations d’une extrême gravité, et que vous comptiez même le faire dans votre tenue de général de l’armée. Si cela est vrai, que comptiez-vous dire aux Tunisiens ?
Ben Ali- Oui, c’est tout à fait vrai. Mon discours a été rédigé le 14 janvier, le matin. Je voulais le prononcer à 8h du soir. Les six pages sont restées sur mon bureau à Carthage, lorsque j’ai accompagné ma famille à l’aéroport. C’est quelqu’un qui m’a conseillé de mettre ma tenue de général de notre Armée Nationale. Non, je n’allais pas le faire. Par contre, j’avais pris la décision de dire à mon peuple que j’ai servi toute ma vie, que le pays est en danger, que des groupes terroristes sont arrivés d’Europe et dont nous avons arrêtés quelques uns, que des cellules islamistes dormantes se sont réveillées, que nous avons été trahis par un pays arabe frère et par un pays occidental ami. Je voulais aussi annoncer la constitution d’un nouveau gouvernement d’unité nationale avec pour premier ministre Kamel Morjane, avec la participation du RCD, du MDS, du PDP, du Ettajdid, du Forum démocratique pour le travail et les libertés, de deux intellectuels indépendants et d’une personnalité islamiste de l’intérieur du pays. Il devait être un gouvernement d’une année pour préparer des élections législatives et présidentielles et exécuter mon programme de redressement en 21 points, dont j’ai parlé dans mon discours du 13 janvier. Je voulais annoncer enfin que je ne me portais pas candidat et qu’après ces élections, je me retirais définitivement de la vie politique.
T.S.- Comment jugez-vous la situation de la Tunisie deux ans après et que pensez-vous du gouvernement actuel ?
Ben Ali- J’espérais que mes compatriotes retrouvent la paix civile et la fraternité et que les nouveaux dirigeants construisent sur ce qui a été déjà construit depuis l’indépendance. Ce n’est pas à moi de faire le bilan de mes 23 ans au pouvoir, mais aux historiens. Moi, je dis que ma politique n’était pas parfaite mais qu’elle a produit de très bons résultats socio-économiques, structurels, éducatifs et de développement intégral. Avec des ministres compétents et qui se sont dévoués pour leur Patrie, avec des moyens énergétiques très modestes, nous avons relevé de grands défis. Lorsque je suis devenu président en 1987, les anciens savent que le pays était en faillite économique et en danger sécuritaire. Toutes les forces vives de la Nation ont participé au redressement du pays, y compris l’opposition, les syndicats et les élites patriotiques. Après mon départ, j’espérais que toutes ces forces vives se remettent au travail, renforcent ce qui a été réalisé et complètent ce que je n’ai pas fait. Mais malheureusement, certains ont choisi un autre chemin pour régler des comptes, pour se venger, pour profiter du pouvoir. Au lieu de plier leurs genoux et de répondre aux besoins des pauvres et des chômeurs, ils ont perdu leur temps et épuisé toutes les réserves financières que mon dernier gouvernement a laissé, les ont épuisé dans des initiatives démagogiques et inutiles. L’inflation, le chômage, la pauvreté et l’endettement extérieur ont quadruplé en deux ans. J’ai vraiment mal pour mon pays et pour mon peuple. J’espère de tout mon cœur que ce gouvernement va saisir la gravité de la situation, qu’il va remédier à ça et qu’il va réussir.
T.S.- Beaucoup de rumeurs circulent sur vous depuis que vous vous êtes installé en Arabie Saoudite. Comment vivez-vous cet exil ?
Ben Ali- Même si ma Patrie me manque beaucoup, je ne me sens pas exilé sur cette terre sainte et auprès de mes frères saoudiens qui représentent la fraternité et l’hospitalité arabes et la bonté des musulmans. Ceux qui connaissent l’histoire de leur pays savent que depuis la lutte pour l’indépendance, l’Arabie Saoudite a toujours été aux côtés de la Tunisie. Les rumeurs, il y en a tellement alors, à quoi bon répondre. Je n’ai jamais été dans la communication et dans la parlotte. Je vis normalement comme un père de famille et comme un grand père. Je passe mes journées entre mon ordinateur, la télévision, la lecture et la prière. Je remercie Dieu, je ne manque de rien, sauf ma Patrie que j’ai servie et ce peuple que j’ai tant aimé et dont l’avenir m’inquiète. Je vis cet éloignement comme une épreuve de Dieu qui éprouve dans leur foi ceux qu’il aime.
T.S.- Regrettez-vous certaines choses par rapport aux 23 ans que vous avez passés à la tête de la Tunisie, comme par exemple les atteintes aux droits de l’homme ?
Ben Ali- Tous les êtres humains peuvent commettre des erreurs. Gouverner, c’est choisir. J’ai fait des choix que j’assume entièrement. En 1987, j’ai choisi de continuer dans la voie du Zaïm Habib Bourguiba, en essayant de réconcilier tout le monde, les bourguibistes, les youssefistes, les islamistes, les communistes, les socialistes, les libéraux. Cette réconciliation s’est concrétisée par le Pacte national qui a rassemblé toutes les tendances autour d’un projet moderniste. Les atteintes aux droits de l’homme, il y en a eu par excès de zèle. Mais c’est deux fois rien par rapport à d’autres pays de la région, d’Afrique, d’Amérique Latine ou de l’Europe de l’Est. La responsabilité est partagée entre le gouvernement et les islamistes. Je n’ai pas réagi parce qu’ils ont essayé de me tuer à trois reprises, mais parce que la stabilité de l’Etat et la paix civile étaient menacées. En 1987, je les ai pourtant sauvés d’une condamnation à mort certaine. J’ai ouvert le dialogue avec eux malgré la réticence des partis de gauche et même de la société civile. Je voulais instaurer la concorde, la paix civile et la prospérité économique d’abord. Ensuite, progressivement ouvrir le jeu sur l’aile modérée et patriotique du mouvement islamiste. Qui a cherché la guerre ? Qui a cherché l’affrontement ? Bon passons. Ce que je regrette vraiment, c’est de n’avoir pas été jusqu’au bout de l’ouverture démocratique et de n’avoir pas fait plus par rapport à la liberté d’expression. J’ai fait confiance à certains de mes conseillers et je n’ai pas suffisamment écouté les vrais démocrates, y compris au sein du RCD. Je regrette aussi de n’avoir pas été suffisamment sévère par rapport à la corruption, même si ce phénomène a été gonflé et qu’il ne concerne pas uniquement la Tunisie, mais touche 90% des pays, y compris certaines démocraties occidentales. Je regrette enfin d’avoir accepté un cinquième mandat en 2009.
T.S.- Quels sont vos souhaits personnels et qu’espérez-vous dire au peuple tunisien après deux ans de silence ?
Ben Ali- Rentrer dans mon pays pour y finir ma vie auprès des miens et parmi mon peuple. Me recueillir sur les tombes de tous ceux qui sont morts durant les événements douloureux de 2011, sur les tombes de mes parents et de mes ancêtres et sur les mausolées de Sidi Abdelghani, de Sidi Mezri et d’Habib Bourguiba. Je pense aussi aux vivants et qui sont injustement détenus en prison depuis deux ans. Au peuple tunisien, je dirai une seule chose : veiller bien à la souveraineté de votre pays, conquise au prix du sang et des sacrifices de plusieurs générations. Que Dieu le tout Puissant protège la Tunisie.
Les deux questions auxquelles l’ancien président n’a pas souhaité répondre sont :
1 Quelles étaient les rapports entre les Etats-Unis et la Tunisie les cinq dernières années de votre présidence, et est-ce que ce pays a joué un rôle dans les événements de décembre 2010, janvier 2011 ?
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